Chapitre 9

 

 

Mon cerveau n’arrivait pas à suivre le cours des événements.

— Je croyais que Sergio avait dit qu’Hennessey était à Chicago. C’est bien ce qu’il a dit, non ?

Bones marmonna un juron et se redressa. Il nous fit pivoter de manière à ce que ce soit lui qui se retrouve dos à la porte.

— Tu crois que Sergio nous a menti ? insistai-je.

Il remua la tête, comme pour s’éclaircir les idées.

— Garde bien l’oeil sur lui, ma belle. Il est grand, il a les cheveux noirs, une moustache, une fine barbe et la peau sombre, et il porte une chemise blanche. Tu le vois ?

J’appuyai la tête sur l’épaule de Bones et scrutai les visages jusqu’à ce que je trouve le bon.

— Oui, ça y est.

— Sergio n’a pas menti, dit Bones d’un air mécontent en réponse à ma question. Cela signifie que d’une manière ou d’une autre Hennessey a été informé de sa disparition. Il savait que Sergio était dans la région et il est venu à la pêche aux infos. Il doit certainement être très inquiet de ce que Sergio a pu dire à la personne qui l’a fait disparaître.

— Bon, quelle qu’en soit la raison, il est là. Profitons-en pour nous occuper de lui.

— Non.

Je fus surprise par la sécheresse de sa réponse.

— Non ? Pourquoi ? Il vient de nous tomber entre les mains !

Son expression était glaciale.

— Parce que c’est un sale enfoiré aussi perfide qu’une vipère, poursuivit-il, toujours à voix basse, et que je ne veux pas que tu t’approches de lui. Tu rentres directement chez toi dès qu’il sera parti. Je vais m’en occuper moi-même.

J’avais maintenant les idées assez claires pour me mettre en colère.

— Tu sais, pour quelqu’un qui me demande constamment de lui faire confiance, tu es loin de montrer l’exemple. Je pensais devoir tuer quelqu’un ce soir, j’ai donc pris mes armes et je suis prête à passer à l’action. Je me suis attaquée à des vampires bien avant de te connaître, tu te souviens ? Toute seule, comme une grande, sans personne pour me tenir la main. Et maintenant que j’ai de l’entraînement et de l’expérience, tu me demandes de nouveau de courir me cacher sous mon lit ? Ne m’embrasse pas comme une femme si tu dois me traiter comme une enfant.

Bones me regarda, l’air frustré.

— Je ne te traite pas comme une enfant. Merde, tu as bien dû remarquer que ce n’est pas comme ça que je te vois ! Écoute, je t’ai dit qu’Hennessey n’était pas le genre de type à enlever une fille dès qu’il se sentait une petite faim. C’est le niveau au-dessus, Chaton. Lui, c’est vraiment un dur à cuire.

— Alors arrête de discuter, et allons-y, dis-je d’une voix douce mais ferme. C’est exactement à un gars de ce calibre que je veux m’attaquer.

Bones ne dit rien pendant quelques secondes, puis émit un grognement résigné.

— Je n’aime pas ça du tout, mais... très bien. On va essayer. C’est loupé pour la soirée de détente. Maintenant écoute, si quelque chose se passe mal, le moindre petit truc, tu enclenches le signal de ta montre. Voilà ce qu’on va faire.

Il m’expliqua brièvement son plan et je choisis une place près du bar où Hennessey venait de s’asseoir, de manière à ce qu’il puisse me voir. Je me sentais encore un peu étourdie, mais je ne l’avais surtout pas dit à Bones. Il aurait refusé de continuer s’il l’avait su. Bon sang, ça devait vraiment faire un bout de temps qu’on ne m’avait pas embrassée pour que quelques petits bécots suffisent à me faire perdre la tête ! Juste par sécurité, je commandai tout de même un Coca au lieu de mon gin tonic habituel. J’étais peut-être moins résistante à l’alcool que je ne le pensais.

Au bout de quelques minutes seulement, Hennessey s’approcha de moi. J’étais étonnée de ma capacité à attirer les vampires. Il y avait certainement beaucoup d’autres jolies jeunes femmes humaines aux alentours, avec des veines aussi juteuses que les miennes. Bones m’avait dit un jour que ma peau avait quelque chose d’attirant, une lueur qui restait humaine mais qui avait en même temps un petit côté vampire. Un véritable aimant, m’avait-il dit.

— Je ne t’avais encore jamais vue ici, la rouquine. Je peux m’asseoir ?

Et bien élevé, avec ça ! D’habitude, les vampires se contentaient de s’incruster sans me demander mon avis. J’inclinai légèrement la tête en signe d’accord et il s’assit à côté de moi en me regardant de ses yeux bleus aux paupières tombantes.

— Je peux t’offrir un verre ?

Décidément, toujours aussi poli. Prenant un air faussement navré, je lui souris.

— Désolée, mais je suis avec quelqu’un. Ce ne serait pas très sympa pour lui.

— Ah, je vois. (Il s’installa plus confortablement sur sa chaise, sans montrer la moindre intention de libérer la place.) Ton mari, peut-être ?

L’idée d’être mariée à Bones me fit presque avaler mon Coca de travers.

— Non. C’est un premier rendez-vous, en fait.

Hennessey sourit et étendit les mains de manière inoffensive.

— Ah, les premiers rendez-vous... C’est quelque chose, n’est-ce pas ? Parfum ou poison – généralement, il n’y a pas d’intermédiaire. Dis-moi, si ce n’est pas trop indiscret, ton rencard penche plutôt de quel côté ?

L’air légèrement embarrassée, je m’inclinai pour me rapprocher un peu de lui.

— Si je devais vous répondre tout de suite, je dirais poison. Il est un peu... arrogant. Imbu de lui-même. J’ai horreur de ça, pas vous ?

Mon sourire était l’innocence même, mais intérieurement je riais de l’occasion qui m’était donnée de dénigrer l’homme qui allait tuer le vampire assis en face de moi dès qu’il en aurait l’occasion.

Hennessey hocha la tête pour montrer qu’il était d’accord avec moi.

— Oui, les gens arrogants peuvent être ennuyeux. Il vaut mieux ne jamais trop parler de soi, tu ne crois pas ?

— Si, tout à fait. Comment avez-vous dit que vous vous appeliez, déjà ?

Pour ce client-là, il allait me falloir user de délicatesse, pas d’obscénités à moitié voilées. En tout cas, pour quelqu’un que Bones avait quasiment décrit comme l’incarnation du diable, Hennessey paraissait presque... charmant.

Il sourit.

— Appelle-moi Hennessey.

— Volontiers, mon pote. Ça fait un bail, hein ?

Bones apparut derrière moi et se pencha pour m’embrasser sur la joue. Je tressaillis par habitude, ce qui ne pouvait pas mieux tomber – le cliché du premier rendez-vous raté. Du coin de l’oeil, je vis la bouche d’Hennessey se raidir.

— Bones. Quelle... surprise. Ne me dis pas que cette charmante jeune femme est avec toi ? Elle est trop bien élevée.

Et un point pour le méchant.

Bones lança un regard chargé de menace à Hennessey.

— Tu es assis à ma place.

— Bones, le réprimandai-je, prenant l’air atterrée, tu es impoli. Ce gentil monsieur ne faisait que me tenir compagnie en ton absence.

— C’est la vérité, ronronna Hennessey en regardant Bones, une lueur dans les yeux. Tu ne peux pas t’attendre à ce qu’une aussi jolie fille reste seule bien longtemps, vieille branche. Un monstre risquerait de... l’enlever.

— C’est marrant que tu dises ça. (La voix de Bones avait une intonation inquiétante que je ne lui connaissais pas. Quoi qu’il ait pu se passer entre eux par le passé, il était évident que Bones n’aimait pas Hennessey.) J’ai entendu dire que c’était ta spécialité.

Hennessey plissa les yeux. Je pouvais sentir la tension croître entre les deux hommes.

— Tiens donc, et où aurais-tu bien pu entendre une chose pareille ?

Bones sourit froidement.

— Tu serais surpris de ce qu’on peut trouver si on fouille assez profondément.

Je les regardai. Ils semblaient prêts à se jeter l’un sur l’autre.

Logan se pencha par-dessus le comptoir et tapota le rebord de mon verre. Apparemment, il avait senti lui aussi leurs vibrations agressives.

— Pas ici, messieurs. Vous connaissez le règlement.

Hennessey regarda Logan et fit un geste désinvolte de la main.

— Oui, je sais. C’est une vraie plaie, mais il faut bien se conformer aux règles de la maison lorsque l’on n’est pas chez soi.

— Arrête tes salades, dit brusquement Bones. Ça ne te va pas du tout. Tu es assis à ma place et c’est moi qui sors avec elle, alors dégage.

— Tu permets ? (Jouant l’exaspération à merveille, je me levai et fis face à Bones.) Je ne sais pas comment tu parles aux filles, d’habitude, mais j’ai horreur qu’on parle de moi comme si je n’étais pas là ! Je ne t’appartiens pas, c’est seulement notre premier rendez-vous. Et je ne serais même pas sortie avec toi si tu ne m’avais pas tant suppliée. (Je réprimai un sourire en voyant Bones blêmir d’indignation à cette dernière phrase.) La soirée est finie. J’appelle un taxi. Toi, en attendant, tu peux aller te faire voir.

Hennessey se mit à rire.

— Tu as entendu la dame ? Tu connais le règlement. Ici, pas d’escorte forcée, le consentement est obligatoire, et, de toute évidence, elle ne veut plus de toi. Alors, comme elle te l’a si bien dit à l’instant, va te faire voir.

Bones encaissa le coup, maîtrisant difficilement sa colère.

— Et si on allait régler ça dehors entre hommes, juste toi et moi ? Ça fait longtemps que j’attends ça.

Une lueur s’alluma dans les yeux d’Hennessey.

— Oh, on réglera ça, ne t’en fais pas. Pas maintenant, mais bientôt. Ça fait trop longtemps que tu te mêles de choses qui ne te regardent pas.

Qu’est-ce qu’il entend par là ? me demandai-je. Il faudrait que je questionne Bones à ce sujet.

— Ouuhhh, je suis mort de peur, répondit Bones d’un ton moqueur. On se reverra plus tard, dans ce cas, dans un endroit plus approprié. J’ai hâte d’y être.

Sur ces dernières paroles menaçantes, il partit avec raideur.

Feignant d’être un peu étourdie à cause de ce qui venait de se passer, je saisis mon sac à main et en sortis quelques billets que je jetai sur la table.

Hennessey m’arrêta en posant une main implorante sur mon bras.

— S’il te plaît, reste prendre un verre avec moi. Je me sens responsable de ce qui vient de se passer, mais, si je peux me permettre, ça vaut mieux comme ça. C’est un homme sans pitié.

Je me rassis en hésitant un peu.

— D’accord pour un verre. Après tout, je vous dois bien ça, puisque vous m’avez aidée à me débarrasser de ce crétin. Au fait, je m’appelle Cat. Bones a oublié de nous présenter, ajoutai-je avec un sourire chancelant.

Il me baisa la main.

— Vraiment enchanté, Cat.

A force de cajoleries, Hennessey réussit à me convaincre de laisser tomber le Coca pour repasser à l’alcool, et je commandai un autre gin tonic. Au bout du quatrième verre, je lui dis que je devais aller aux toilettes et je le laissai au bar. Je ressentais toujours le même étourdissement. Tout ce qui m’entourait me paraissait vaguement altéré, presque flou sur les bords. Il était temps que je revienne au Coca.

Les toilettes étaient de l’autre côté de la boîte. Alors que j’en ressortais, je vis Bones sur le faux balcon. Il avait le dos appuyé contre la paroi de verre qui nous séparait. Comme je voulais profiter de l’occasion qui m’était donnée pour le tenir au courant de la situation, j’accélérai le pas et me frayai un chemin parmi la foule jusqu’à une porte à l’autre bout du balcon.

Il y avait une femme en face de lui. Ses bras pendaient mollement le long de son corps et Bones la tenait par les épaules. Il avait collé sa bouche contre son cou et ses yeux brillaient de cette lueur verte propre aux vampires. Je m’arrêtai, figée, et regardai sa gorge qui palpitait à chaque gorgée de sang qu’il avalait. La fille ne lui opposait aucune résistance. Elle était même à moitié affaissée contre lui.

Tout à coup, il leva les yeux et tomba droit sur moi. Incapable de détourner le regard, je le regardai alors qu’il continuait à se nourrir. Au bout d’un moment, il retira sa bouche du cou de la fille. Étonnamment, il n’y avait presque aucune trace de sang sur ses lèvres. Il avait appris à prélever sa pitance proprement. Ses yeux toujours plongés dans les miens, il s’ouvrit le pouce à l’aide d’une canine et le pressa contre le cou de la fille. Les deux marques de la morsure se refermèrent immédiatement avant de disparaître.

— File, ordonna-t-il à la fille.

Elle obéit, un sourire endormi sur les lèvres. Elle passa juste à côté de moi sans même sourciller.

— Ta maman ne t’a jamais dit que c’était malpoli de regarder les gens manger ?

La nonchalance de sa voix me sortit de ma stupeur.

— Cette fille... elle va bien ?

Elle ne donnait guère l’impression d’avoir été vidée de son sang, mais j’étais loin d’être une experte.

— Bien sûr qu’elle va bien. Elle a l’habitude. C’est pour ça qu’ils viennent, pour la plupart, je te l’ai dit. Ils font office de menu sur pattes.

Bones s’avança vers moi, mais je fis un pas en arrière. Il s’en aperçut et fronça les sourcils.

— Qu’y a-t-il ? Écoute, la fille n’a rien. Ce n’est pas comme si tu ne savais pas que j’étais un vampire. Qu’est-ce que tu croyais ? Que je ne me nourrissais jamais ?

Cette pensée me dégoûtait tellement que je n’avais jamais réellement voulu y réfléchir. La scène à laquelle je venais d’assister me faisait l’effet d’un seau d’eau glacée.

— Je suis venue te dire qu’on ne va pas tarder à quitter la boîte. On devrait s’en aller dans une vingtaine de minutes.

Distraitement, je commençai à me masser les tempes ; j’avais de nouveau la tête qui tournait.

— Tu te sens bien ?

L’absurdité de sa question me fit éclater de rire.

— Non, je ne me sens pas bien. Pas bien du tout, même. Tout à l’heure je t’ai embrassé, et là je viens de te voir aspirer avec avidité le sang d’une fille, tes crocs plantés dans son cou. Si tu ajoutes le mal de crâne que je me paie, alors non, je ne me sens pas bien du tout.

Il s’approcha, et je reculai de nouveau.

— Ne me touche pas.

Marmonnant une injure, il serra les poings mais ne bougea pas.

— Très bien. On en reparlera plus tard. Retournes-y avant qu’il commence à s’agiter.

— Non, on n’en reparlera pas plus tard, lui annonçai-je froidement en retournant vers la porte. D’ailleurs, je ne veux plus jamais en parler.

Je n’avais toujours pas retrouvé mon calme lorsque je me rassis à côté d’Hennessey, mais j’accrochai un sourire à mes lèvres et commandai un autre gin tonic. Tant pis pour le Coca, en avant toutes !

Hennessey avança le bras et me prit la main.

— Que se passe-t-il, Cat ? Tu as l’air bouleversée.

J’envisageai d’abord de mentir, mais je décidai finalement de lui dire la vérité. Il m’avait peut-être aperçue en train de parler à Bones, même s’il n’avait pas pu entendre ce que nous disions dans tout ce vacarme, et je ne voulais pas éveiller sa méfiance.

— Oh, rien du tout. J’ai croisé Bones en revenant des toilettes et il m’a dit des choses pas très aimables. Ça m’a un peu énervée, c’est tout.

Hennessey retira sa main et se leva, affichant un sourire parfaitement poli.

— Tu veux bien m’excuser ? J’ai tout à coup très envie de rattraper le temps perdu avec un vieil ami.

— S’il vous plaît, non, dis-je précipitamment.

Je ne voulais pas être la cause d’une bagarre. Pas tout de suite, en tout cas.

— Ça ne prendra que quelques minutes, ma chère. Je veux juste lui faire comprendre que sa grossièreté n’a guère été appréciée.

Je renouvelai mes protestations mais il partit sans en tenir compte. Embêtée, je finis mon gin tonic. J’allais en commander un autre lorsque Ralphie et Martin se glissèrent près de moi.

— Coucou ! Tu te rappelles de nous ?

Ils avaient un sourire si ingénu que je me sentis malgré tout disposée à être aimable.

— Salut, les garçons.

L’un était à ma gauche, l’autre à ma droite, exactement comme tout à l’heure.

— C’est ton copain ? demanda Ralphie, les yeux écarquillés.

— Non. Oui. Enfin, je pense que, maintenant, il l’est. Ça n’a pas collé avec le précédent, alors celui-là est venu me tenir compagnie. (J’étais aussi vague que possible pour éviter d’entrer dans des détails qui pourraient les mettre en danger plus tard.) Il est parti jouer au macho, il devrait en avoir pour une dizaine de minutes. Mais dès qu’il revient, vous disparaissez, OK ?

— Pas de problème, dirent-ils en choeur.

Martin me tendit un verre avec un sourire timide.

— C’est un gin tonic, comme celui que tu avais commandé tout à l’heure. Après notre rencontre, j’en ai pris un, pour goûter. C’est vraiment bon !

Il était impossible de résister à la joie enfantine de son visage et je souris de plus belle.

— Tiens, dit-il d’un air important. Je n’y ai pas touché. Je vais en demander un autre au barman.

— Euh... merci.

Après avoir levé mon verre à leur santé, je bus une longue gorgée. Ce gin tonic était un peu plus amer que les précédents. Il avait peut-être été préparé par un barman moins habile que Logan.

— Délicieux.

Je camouflai ma grimace et bus une autre gorgée pour ne pas leur faire de peine.

Tout en m’observant avec inquiétude, ils échangeaient des regards.

— Tu veux voir ma voiture ? demanda Ralphie en ouvrant grand les yeux et en me regardant fixement. C’est une nouvelle Porsche, avec toutes les options. Elle est vraiment géniale.

— Ouais, ajouta Martin. Il faut que tu la voies, elle est vraiment super.

Ralphie sortit des clés de la poche de son pantalon ; l’une d’elles était ornée du nom de la célèbre marque de voiture.

— Je te laisserai la conduire.

Leur jubilation me rendit perplexe. Je n’avais jamais éprouvé un tel emballement pour une voiture. Cela dit, je n’avais jamais eu de Porsche. Ça devait être sympa d’avoir de l’argent.

Je secouai fermement la tête et reposai mon verre. Ma tête recommençait à tourner. Il était grand temps de revenir aux boissons sans alcool.

— Désolée, les gars... Peux pas abandonner mon copain... Serait pas sympa.

Mon cerveau semblait avoir du mal à former des phrases complètes. J’étais pressée d’en finir avec ce que j’avais à faire pour pouvoir rentrer chez moi et dormir. Dormir me paraissait la plus merveilleuse des idées.

Ralphie me tira par les mains et Martin me poussa l’épaule. Désorientée, je les regardai en clignant des yeux et je me redressai sur mon siège. Du moins j’essayai.

— Hé... Ne me bousculez pas. Désolée, mais je vous ai dit non.

— Allez, insista Ralphie en continuant à me tirer par les mains. Juste une minute ! On n’a qu’à se dépêcher avant qu’il revienne !

— Non !

Maintenant, j’étais furieuse. Tout le monde voulait me forcer à faire des choses que je n’avais pas envie de faire. Des choses qu’il ne fallait en aucun cas que je fasse, malgré tout l’attrait qu’elles pouvaient présenter...

Je poussai Ralphie avec assez de force pour le faire trébucher en arrière.

— Maintenant, il faut que vous partiez.

Ils échangèrent de nouveau un regard, visiblement surpris. Le coup de la Porsche devait sans doute marcher d’habitude. Ils étaient abasourdis par mon refus.

— Je vous ai dit de partir. (Je pris une voix plus menaçante et je pivotai sur mon siège pour leur tourner le dos.) Barman, dis-je d’une voix fatiguée. (Logan apparut au bout d’une minute.) Tu as de l’aspirine ?

Hennessey et moi partîmes quinze minutes plus tard. Lorsqu’il était enfin revenu, je me sentais en dessous de tout. Tout ce que je voulais, c’était dormir, mais il fallait d’abord qu’on en finisse avec lui. Aussi je lui suggérai brusquement de partir pour aller dans une autre boîte, sous le prétexte que je préférais éviter une nouvelle rencontre avec Bones. Il accepta sans hésiter et très vite nous sortîmes du petit parking dans sa Mercedes grand luxe – apparemment, les vampires aimaient les Mercedes.

Ma tête tournait et j’avais du mal à suivre sa conversation plaisante tandis qu’il conduisait. Dans un petit coin de ma tête, je me demandais ce qui se passait, mais j’avais le plus grand mal à me concentrer. Mes yeux papillonnèrent puis se fermèrent avant que je les rouvre brutalement. Qu’est-ce qui était en train de m’arriver ?

— Tu as trop bu, Cat ?

Pour une fois, je ne faisais pas semblant lorsque je répondis d’une voix pâteuse :

— V... vous n’y êtes pas... (Parler devenait difficile et les premiers signaux d’alerte commencèrent à résonner dans ma tête. Quelque chose n’allait pas.) Je tiens... très bien l’alcool.

Hennessey sourit.

— Je ne crois pas. Nous devrions peut-être aller chez moi, tu pourras t’allonger et te reposer. Tu me sembles trop mal en point pour aller dans une autre boîte.

— Non... Noooon...

J’avais la vague impression que ça ne m’apporterait rien de bon d’aller chez lui, mais je n’arrivais pas à me rappeler pourquoi. C’était qui, ce type, au fait ? Comment avais-je atterri ici ? Mon esprit était à la dérive.

— Je pense que si. Ça te fera du bien.

Il ne m’écoutait même pas ! Il allait m’emmener chez lui, et quelque chose de moche allait se produire. Mais quoi ? Où étais-je ? Il fallait que je le force à s’arrêter, à se garer. Ensuite... je m’enfuirais. Oui. Tout ce que je voulais c’était fuir. Et dormir.

— Arrêtez-vous, articulai-je non sans peine.

J’étais horrifiée par les couleurs sombres qui entachaient les bords de mon champ de vision. Un bourdonnement sourd commença à résonner dans mes oreilles.

— Non, Cat. Nous nous arrêterons une fois arrivés chez moi.

Il garda le même itinéraire. Nous avions presque quitté les routes de campagne et nous allions bientôt arriver sur l’autoroute. Quelque chose en moi savait qu’il fallait à tout prix que je l’empêche de continuer.

— Je vais vomir, l’avertis-je.

Ce n’était pas une menace en l’air. Je sentais que mon estomac se soulevait dangereusement. Prise d’un haut-le-coeur, je me penchai vers lui.

Il écrasa son pied sur la pédale de freins et la voiture s’arrêta si brusquement que les airbags auraient dû s’ouvrir.

— Pas dans la voiture ! dit-il avec précipitation en se penchant au-dessus de moi pour ouvrir ma portière.

À peine m’étais-je penchée au-dehors que je vomis tout ce que j’avais ingurgité, éclaboussant ma robe au passage. Au-dessus de moi, j’entendis Hennessey émettre un grognement de dégoût.

— Tu t’en es mis partout ! Je ne peux pas te laisser rentrer dans la voiture dans cet état. Tu salirais les sièges !

Bien que soulagée d’entendre ça, je n’allai pas jusqu’à me réjouir, car je ne savais pas où j’étais ni pourquoi je ne voulais pas retourner dans la voiture.

Tout à coup, je sentis mon corps bouger douloureusement. L’homme me saisit par les cheveux et me traîna jusqu’aux arbres alors que j’essayais de me dégager. Tout cela ne laissait rien présager de bon. J’avais l’impression que mes jambes étaient des blocs de roche. Elles étaient trop lourdes pour que je puisse les bouger. Mes bras ne valaient guère mieux, et je le frappai inutilement, toute force m’ayant abandonnée. Il s’arrêta enfin et tendit la main derrière mon cou pour défaire le haut de ma robe. Elle retomba sur ma taille, découvrant le soutien-gorge sans bretelles qui couvrait ma poitrine.

— Magnifique, soupira-t-il avant de le dégrafer pour mettre mes seins à nu.

— Arrête.

J’essayai de m’enfuir, mais mes jambes refusaient de m’obéir. Hennessey s’agenouilla au-dessus de moi, en faisant attention de ne pas se salir, puis il écarta mes cheveux. D’un seul coup, son visage se transforma, et je ne vis bientôt plus que ses yeux luisants et ses crocs. Il prit mon sein dans l’une de ses mains et le serra avec brusquerie tandis que de l’autre il me maintenait la tête.

Je sentais des larmes couler lentement sur mes joues. J’étais assise, prise au piège, incapable de bouger ou de penser. Il y avait une chose qui pouvait m’aider, une chose... si seulement je pouvais me rappeler laquelle !

Je ressentis soudain une vive douleur dans le cou qui me coupa le souffle. Mon Dieu, il m’avait mordue ! Il était en train de boire mon sang ! Mes jambes s’agitèrent faiblement et ma montre se retrouva prise dans ses cheveux alors que j’essayais de le repousser. Il me restait une vague lueur de souvenir, mais elle s’effaçait rapidement à chacune de ses succions qui me faisaient mal. Ça avait quelque chose à voir avec ma montre...

Ma vision s’assombrit, mais, avant de plonger dans les ténèbres, j’appuyai sur un bouton.

Au Bord de la Tombe
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